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Józef BURY "Contexte d’apparition des pratiques artistiques de type performance en Pologne - Entretiens avec Zbigniew Dlubak, Wlodzimierz Borowski, Jerzy Beres et Józef Robakowski", Æsthetica-Nova (n°6), Paris, 1996, pp. 40-70 (extraits).

1. Introduction à la problématique de la performance

     Approche de la pratique de type performance en Pologne

2. Entretien avec Zbigniew DLUBAK, Meudon, Octobre 1995

3. Entretien avec Jerzy BERES, Cracovie, Décembre 1995

4. Entretien avec Wlodzimierz BOROWSKI, Brwinow, Novembre 1995, Janvier 1996

5. Entretien avec Jozef ROBAKOWSKI, Lodz, Varsovie, Novembre 1995, Mars 1996

6. Conclusion.

 

1. Introduction à la problématique de la performance

Apparu au début des années 70 aux Etats-Unis, pour désigner une pratique artistique spécifique, le terme "performance" a eu la carrière, peut-être la plus ambiguë de l'histoire de l'esthétique moderne.

Dérivé du mot "to perform" : exécuter, accomplir, le mot "performance" (ancien français "performance" ) signifie accomplissement ainsi que représentation au sens de spectacle; interprétation au sens d'interprétation musicale ; mais aussi exploit sportif ou bon fonctionnement d'une machine.

Cette appellation désigne un phénomène et un concept flou. Ainsi à ses débuts on l'a davantage défini en opposition par rapport aux autres disciplines plutôt que par l'affirmation de sa spécificité, comme en témoigne l'article "La performance hic et nunc" de Thierry de Duve paru dans la revue "Parachute" regroupant les textes et documents du colloque sur la performance qui eu lieu à Montréal en Octobre 1980. Pour nommer la performance, tout en se gardant de la définir, l'auteur fait une longue énumération des disciplines qui n'en sont pas.

"S'appellerait performance toute forme d'art contemporain qui ne serait ni peinture ni sculpture, ni théâtre, ni danse, ni musique ni pantomime, ni narration, ni même happening, tout en empruntant plus ou moins à ces formes diverses". (1)

Autre témoignage datant de la dernière décennie, la description donnée par Daniel Charles dans l'article sur la performance dans l’ Encyclopaedia Universalis:

"Performance : ce vocable - loin de désigner un quelconque exploit sportif - relève de ce qu'il est convenu de considérer comme du franglais ; directement issu du verbe to perform, "interpréter", il est attesté au début des années soixante-dix dans le vocabulaire de la critique d'art aux Etats-Unis, et s'applique à toute manifestation artistique dans laquelle l'acte ou le geste de l'exécution a une valeur pour lui-même et donne lieu à une appréciation esthétique distincte". (2)

Tandis que Daniel Charles met l'accent sur "l'interprétation" au sens de l'interprétation musicale, Arnaud Labelle-Rojoux dans sa version donnée dans un livre-dictionnaire de l'art contemporain depuis 1945, privilégie "l'accomplissement":

"La Performance est très exactement ce que signifie en anglais (comme en français du 16e siècle) le mot "performance" : un "accomplissement". Mais de quel accomplissement s'agit-il (...) Il s'agit d'un "accomplissement"-oeuvre, autrement dit "d'art performance". Sa définition encyclopédique pourrait être celle ci : accomplissement public en tant qu'oeuvre d'art, ne nécessitant aucun savoir-faire particulier, sans fonction sinon d'exister fugitivement, multidisciplinaire ou tendant au niveau zéro de l'expression". (3)

Ajoutons encore que chaque artiste pratiquant la performance dispose d'une définition propre, souvent tellement contradictoire, que le seul facteur donnant à penser qu'il s'agit du même objet, est le mot "performance" utilisé dans la définition.

Il est d'usage aujourd'hui, en face des difficultés à cerner la problématique, mais aussi pour justifier son accession historique, d'évoquer différentes origines au concept. Sont cités tous les mouvements ayant participé à l'éclatement des pratiques artistiques, éclatement non pas seulement dans le sens de descellement mais aussi dans le sens d'appropriation du monde réel. Dans l'ordre historique : Futurisme, Dada, Surrealisme, Action painting, Gutaï, Happening, Fluxus, mais aussi plus personnellement les artistes comme M. Duchamp, K. Schwitters, J.Cage, Y. Klein.

Approche de la pratique de type performance en Pologne.

Durant les années 60 et au début des années 70, les échos de ces mouvances sont parvenus en Pologne au travers d’informations rarement traduites littéralement et dans des versions souvent restreintes aux faits les plus marquants, sans rappel du réel contexte social dans lequel elles s’inséraient.

L’absence de ce contexte ainsi que l’inexistence de textes théoriques ou de références précises, a créé en Pologne une incertitude notionnelle quant à la réelle teneur sémantique de l’appellation même du genre. Pourtant, les poussées de tendances locales vers l’ouverture à l’Ouest se sont emparées du nom performance pour y voir un espoir d’avancement par prétérition. L’hypostase terminologique en découlant n’est pas pour autant le témoin d’une erreur due à un vide conceptuel. Les artistes qui sont apparus comme les premiers protagonistes de la nouvelle configuration artistique n’y ont pas cherché uniquement un effet porteur, mais plutôt la justification au phénomène bien réel existant en amont des dates manifestes, et qui seulement, bien souvent se cherchait depuis longtemps un cadre théorique confortable.

C’est pour cela que les termes "démonstration syncrétique" de Borowski, "manifestations" de Beres, "démarches-attitudes" de Matuszewski (4) ont tous eu d’abord, l’honnêteté intellectuelle d’exprimer une adhésion "sous réserve" à la mouvance, qui, seulement bien plus tard, dans les années 80, et uniquement pour des raisons d’opportunité organisationnelle liées à la réalisation de grandes manifestations fédératrices et périodiques, prendra le nom de "performance" comme enseigne.

Les tendances locales, pour la plupart traditionnelles et bien ancrées ou dans l’esthétique "nationale", ou dans les tendances avant-gardistes, ont donc rempli de leur propre sens le squelette du dispositif artistico-critique importé en Pologne, et ce, d’abord sous la forme d’un vocable suffisamment confus pour être sujet à des polysémies aisées. C’est donc avec du matériel, des exemplifications concrètes que la coquille vide à été avant tout investie par les artistes polonais. Ce procédé où l’existence précède l’essence, l’extension devance l’intention, est allé de pair avec la prolifération des manifestations publiques. Pour s’en convaincre, nous apportons ici les références des quelques grandes festivités, particulièrement abondantes à la fin des années 70 et au début des années 80, telle les premières rencontres à l’ échelle internationale :

" International Artists Meeting - I am ", organisé en 1978 à l’ initiative de Henryk Gajewski (5) à la Galerie Remont à Varsovie, et accompagné d’un séminaire dont les textes sont regroupés dans le livre Performance , édité par M.A.W. à Varsovie en 1984.

" Performance and Body", organisé à la Galerie Labirynt (6) à Lublin en 1978.

Ainsi que, durant des années 80 et 90 :

" Expanded Theatre", Festival temporaire de 1985-1988, à Poznan.

"Spotkania Teatru wizji i Plastyki" (rencontres du Théâtre de vision et de plasticiens), festival, 1988-1991, à Katowice

"Spotkania Sztuki Aktywnej" (rencontres de l’art-actif) à Konin, 1991-1992, né de l’initiative de Zbigniew Warpechowski (7) qui fut aussi au coeur des projets de rencontres autour de la performance à la Galerie Labirynt à Lublin, durant les années 80 et 90.

" Real Time-Story Telling 1991 à Sopot et "Real Time-Story Telling 1993" à la Galerie Labirynt à Lublin ; festivals internationaux nés de l’initiative de Jan Swidzinski. (8)

Ce contraste : prolifération de manifestations publiques et quasi inexistence de travaux théoriques qui auraient pu les accompagner, tout en attestant de la pauvreté théorique de la problématique de la performance, ne peut que susciter notre étonnement.

Sans ambition d’exhaustivité dans le recensement des sources et précédents historiques, nous avons entrepris en 1995 de réaliser des interviews d’artistes fondateurs de la performance polonaise dans l’espoir de donner ainsi les premiers éléments textuels exploitables en langue française, et d’élargir la banque de données iconographiques déjà existante. Le choix des représentants s’explique à travers leurs contributions respectives, que nous tenterons d’expliciter à la fin de ce travail.

2. Entretien avec Zbigniew DLUBAK, Meudon, Octobre 1995.

3. Entretien avec Jerzy BERES, Cracovie, Décembre 1995.

4. Entretien avec Wlodzimierz BOROWSKI, Brwinow, Novembre 1995, Janvier 1996.

5. Entretien avec Jozef ROBAKOWSKI, Lodz, Varsovie, Novembre 1995, Mars 1996.

6. Conclusion.

NOTES :

(1) Thierry De DUVE, "La performance hic et nunc", in: Performance: text(e)s et documents. Actes du colloque: Performance Multidisciplinarité: Postmodernisme. sous la dir. de Chantal PONTBRIAND (Montréal : Parachute, 1981) p.18.

(2) Daniel CHARLES, "Esthétique de la performance", in: Encyclopaedia Universalis, Symposium I (Paris : Universalis, 1993) p.491.

(3) Arnaud LABELLE-ROJOUX, "Performance", in: Groupes, mouvements, tendances de l'art contemporain depuis 1945. (Paris : E.N.S.BA., 1990) p.133.

(4) Jerzy BERES et Wlodzimierz BOROWSKI ont fait objet d’entrevues dont les résultats sont présentés dans cet ouvrage. Andrzej MATUSZEWSKI, (né en1924 ), artiste polonais, il réalise dès 1969 des actions nommées : "Postepowania" ("Démarches") qualifiées à l’époque de happenings. MATUSZEWSKI dirigea durant des années 1964 -1969 la galerie expérimentale "odNOWA" à Poznan.

(5) Heryk GAJEWSKI, fondateur de la galerie "Remont" à Varsovie en 1972.

(6) Une galerie consacrée à l'art de l'action, crée par Andrzej MROCZEK, (historien de l'art) à Lublin en 1974.

(7) Zbigniew WARPECHOWSKI, (1938 Wolyn) artiste polonais, réalisateur, entre autre, de plus de 200 performances. L’un des représentant les plus important de la performance polonaise. A témoigné de cette activité à la Documenta 8, à Kassel en 1987.

(8) Jan SWIDZINSKI (né en 1924). Artiste polonais, pratiquant la performance, auteur entre autre de "Manifeste de l'art contextuel" en 1975.

 

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