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revelint - revue électronique internationale - Paris 2002 - 2010


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Lionel Marchetti, Haut-parleur, voix et miroir…

- essai technique sous forme de lettre -

à Olivier Capparos

Haut-parleur, voix et miroir a été initialement une réponse à l'invitation de Olivier Capparos et Frédéric Neyrat, dans le cadre de leur séminaire "Fonctions de l'image" au Collège International de Philosophie, à Paris, en 2000.

 

 

Vocabulaire technique essentiel :

Haut-parleur n.m. Appareil qui reçoit de l’énergie électrique correspondant à des sons audibles (parole, musique, bruits) et la convertit en énergie acoustique, qu’il rayonne dans l’espace environnant.

Microphone n.m. électroacoust. Appareil qui transforme les vibrations sonores en oscillations électriques.

Oreille n.f. (lat; auricul, de auris). Organe de l'ouïe, et, en partic., partie externe de l'organe, placée de chaque côté de la tête.

Bouche n.f. (lat. bucca) Cavité formant le segment initial du tube digestif de l'homme et de certains animaux, permettant l'ingestion des aliments et participant à la respiration et à la phonation.

Voix n.f. (lat.vox, vocis). Ensemble des sons émis par l'être humain.

Miroir n.m. (de mirer) Verre poli et métallisé (génér. avec de l'argent, de l'étain ou de l'aluminium) qui réfléchit les rayons lumineux.

Le petit Larousse 2000

 

1.

Mon ami,

regarde, devant toi, à hauteur du visage, cet objet de taille modeste qui, tantôt, lorsqu’il t’aborde, occupe un espace qui serait celui d’une tête (ou parfois même d’un corps), tantôt se loge en un point miniature, à la limite d’être une pupille, devenant ainsi le semblant d’un œil unique, ou plutôt, une visée acoustique unique, que j’aimerais appeler, par analogie, et non sans contraste volontaire, le regard d’une oreille vagabonde.

Au centre de ce lieu focal, quasi-cubique, étonnamment mécanique, où le rapport du volume et des matériaux employés reste mathématiquement calculé comme objet idéal, et ce, en vue de donner à entendre un chapelet complet de fréquences bien étagées sur tout le spectre de l’audible (proche de celui dont nous donne à jouir l’oreille humaine); au centre de ce lieu focal, donc, sur l'aplat résonateur de ce que l’on appelle la baffle, et qui joue le rôle d’un pavillon plat amplificateur, une membrane conique de papier composite claque, se contracte ou se dilate, joue de sa morphologie souple comme d’une peau enflée par une force en dessous, vibrante, vivante, animale.

De cette surface électriquement pincée naît un son. Le plus souvent un complexe de son. Composé d’une pluralité de longueurs d’ondes enchevêtrées. Sur l’avant. Sur l’arrière. En soubresauts et remous, tourbillons, virages ou sillages d’ondes. Ce son s’extirpe en quête du dehors. Sort. Se déploie. Rejoint l’espace. Finalement l’occupe. En prend possession. Non sans générer cette sensation de flux continuel déversé, bien que parfois interrompu ou peuplé de silences, de résonances ou d’attentes, mais également détenteur de ce pouvoir agile de renversement - comme dans une illusion - pour un effet de retourné radical et paradoxal sur les espaces internes de ce que nous entrevoyons comme les plus lointaines profondeurs, mystérieuses, de ce même haut-parleur.

Visée acoustique unique, regard d’une oreille vagabonde… deux images adverses qui pourtant s’accolent par la force aimantée du haut-parleur, recelant une volonté d’échappée volatile, opposée, en son sein, à l’immobilité obligée de l’enceinte acoustique dans l’espace du lieu de son implantation…

Visée acoustique unique, regard d’une oreille vagabonde… alors même que la morphologie mouvante de la membrane appelle un imaginaire du toucher, suggéré par des remuements visibles, complexes, sinueux, même seraient-ils cachés par le voile pudique d’un tissus, d’une grille…

Visée acoustique unique, regard d’une oreille vagabonde… deux images adverses, en tout cas contenues dans l’évidence d'un sonore le plus souvent façonné comme une histoire venue du passé, bien que, paradoxalement, soudainement , et redonnée, au travers de cet étrange médium technologique - le haut-parleur - comme un remuement enchanteur de particules d’air émises en direction du corps de l’écoutant…

 

 

Parler, s'enregistrer et… s'écouter

Si le corps en entier écoute, si l’oreille est aux aguets, face au haut-parleur l’œil observe et cherche à comprendre la vitalité d’une mécanique faite pour parler.

Il ne faut pas oublier que dès les débuts de sa conception technique le haut-parleur était utilisé pour transporter la voix.

L'enregistrement, pour sa part, naissait au siècle dernier entre les mains d'un poète et d'un artisan typographe historiquement associés . Tous deux, chacun à leur manière, jouèrent essentiellement de leurs voix comme premier son de l'air à fixer, en vue d'élaborer une écriture obtenue directement à partir de la parole, par un moyen mécanique.

Charles Cros, dans Inscription :

" J'ai voulu que les tons, la grâce,

Tout ce que reflète une glace,

L'ivresse d'un bal d'opéra,

Les soirs de rubis, l'ombre verte

Se fixent sur la plaque inerte.

Je l'ai voulu, cela sera.

Comme les traits dans les camées

J'ai voulu que les voix aimées

Soient un bien, qu'on garde à jamais,

Et puissent répéter le rêve

Musical de l'heure trop brève ;

Le temps veut fuir, je le soumet. " (1)

De son côté, durant les années soixante du dix-neuvième siècle, Léon Scott de Martinville étudia scrupuleusement l'anatomie auriculaire des mammifères. Reproduisant sommairement le tympan d'un chien avec un cône de papier, encollé à son extrémité membranée d'une fine soie animale et, parlant au plus près de ce même cône, il put examiner sa voix, métamorphosée, au niveau de la soie, en mouvement horizontal amplifié. Dans ce nouvel espace restreint le mouvement signait déjà toute sa genèse à graver. C'était là, en outre, l'esquisse d'un microphone mécanique : un porte voix inversé, qu'il appela également "oreille artificielle. " (2)

Trouvant habilement, avec l'aide d'amis imprimeurs, la possibilité de fixer ces mouvements par l'inscription du cheminement ondulé sur un cylindre de verre rotatif recouvert de noir de fumée et ce, sur bande de papier ciré ; copiant puis gravant en creux cette trace de mouvement sur un étalon d'étain mobile ; guidant cette même soie, améliorée d'une aiguille métallique conductrice, dans des raies qui bientôt deviendront sillons de cire, il entendit et vit, pour finir, le cône de papier - précédemment mis en mouvement par la pression aérienne de sa voix - magiquement devenir amplificateur de ses anciens spasmes.

Le cône de papier parlant haut et fort.

Devenu haut-parleur.

Jouant automatiquement et à loisir, des sons fixés.

 

Aujourd'hui, à l'heure où j'écris cette lettre, plus d'un siècle est passé. Pourtant le haut-parleur reste invariablement constitué d'une membrane de papier, animée par une bobine de métal sondant une pierre d'aimant, le tout électriquement amplifié, reproduisant, en grand, les remuements préalables de la membrane microphonique mise en mouvement par cette voix, comme toujours, aérienne.

Redéployé dans l'espace à l'inverse de son cheminement initial, ce même air qui, d'ordinaire, aurait pu venir frapper directement la surface de ton tympan, de nouveau t'aborde.

Par le biais d'un curieux appareillage.

Comme si le haut-parleur était un automate renvoyant en atmosphère l'image sonore de ta voix.

Comme si le haut-parleur était un miroir acoustique.

Miroir nous convoquant à infini de ses dérives…

Au travers de ce système désormais aisément duplicateur, issu d'une technique simple, manuelle, sans adjonction d'électricité au départ, les inventeurs ne purent qu'admettre certaines modifications radicales : la trace de l'enregistré, enchevêtrée dans la dérive d'une reproduction haut-parlante se survit difficilement à elle-même. Elle se perd - et nous perd - au travers des multiples couches de codages, copies, injections ou autres réinjections – broyée sous l'aberration constitutive des machines.

Pourtant, au-delà de tout ces ombrages, la trace renaît.

Augmentée ou diminuée.

Peut-être même renaît-elle comme une nouvelle origine.

Érigée.

Dans toute son étrangeté.

Et c'est précisément cette étrangeté que je me propose d'explorer.

J’ai donc envie, après avoir approché l'architecture du haut-parleur, de le comparer à la physionomie complexe de l’oreille humaine qui a servi de modèle à sa conception formelle.

De même, pour poursuivre mon réseau de relations dans une logique tout autant anthropomorphique, la plastique entière de l'enceinte acoustique incite, selon moi, à une attitude perceptive nourrie d’attentes où la bouche et la voix, tout comme le fantasme d'une oreille projective trouvent en elle une place de choix.

De plus, le haut-parleur, dans sa capacité d'agrandir à l'excès les volumes sonores suscite l'effroi.

Paradoxalement, le corps s'y attelle. Il ira même jusqu'à se livrer, face à lui, en réponse directe ou différée, à un jeu de postures mimétiques, attrayantes ou repoussantes.

Comme si l'on se trouvait, devant le haut-parleur, face à un miroir.

Comme si l'on se trouvait de plein front avec l'expérience imageante.

Un jeu entre la vie et la mort.

Où la vie serait cette venue, vers nous, écoutants, d'une image nous portant au faîte d'un nouveau genre d'existence : un gain de vie.

Où la mort serait ce nous-mêmes rayé face à nous-mêmes, nous abîmant, comme en une perte, dans une jouissance miroitante morbide, lorsque uniquement agglomérés sur un idéal inaccessible – appel nostalgique fermentant au sein de toute trace. (3)

Avant toute chose précisons ce qu’est le son, cet impalpable lent qui de notre quotidien sans cesse incise et rehausse les saveurs, ainsi que son cheminement dans l'oreille.

 

 

Le son devant l'oreille

Le son, par nature, est émis par le frottement ou l’impact de deux corps quelconques.

Imagine que tu frappes deux cailloux.

De là, de ce geste franc, le son va rayonner dans l’espace élastique du lieu. Il est, le plus souvent, un déplacement de molécules d’air qui s’entrechoquent, en atmosphère, à la vitesse relativement lente de trois cent soixante mètres par seconde. Mécaniquement, c'est une propagation, de proche en proche, d’un mouvement oscillatoire local de particules autour de leur position de repos, à la suite de l’ébranlement initial et ce, sans propagation à distance d’élément matériel. La propagation se fait dans toutes les directions à partir du point d’impact. Le son se déploie en cercles d’ondes excentriques, qui ne sont pas sans faire penser aux rides circulaires s’offrant au regard de celui qui lance une pierre dans une eau calme, non sans omettre la complexité tressée du retour des ondes d’une rive à l’autre, d’un obstacle à l’autre, ainsi que le mélange de différents types d’amortissements selon l’entretien de l’ébranlement initial. (4)

Demande à un ami, par exemple, de se munir de tes deux cailloux et de les frapper, à intervalles lents, réguliers, en se tenant à une bonne distance, afin que tu éprouves cette étonnante lenteur du son. Une centaine de mètres suffiront.

Voici donc que les particules d’air excité t’abordent. Elles parcourent l’architecture festonnée du pavillon de ton oreille, qui les amplifie, les canalise, les dirige dans le conduit auditif de l’oreille dite externe. Elles le traversent, pour ensuite frapper la membrane du tympan, minuscule peau tendue, ayant cinquante à soixante millimètres carrés de surface, rappelant la peau d’un instrument comme le tambour – ou à la membrane du haut-parleur.

Au niveau du tympan l’audition naît d’un martèlement.

Toute audition est une perception percussive.

Entendre, c'est être frappé.

 

 

Le son dans l'oreille

Suis-moi, maintenant, plus profondément. Plongeons ensemble à l'intérieur de l'oreille.

La membrane tympanique, située à l’entrée de l’oreille moyenne (appelée aussi caisse du tympan) excite à son tour, par contact, la chaîne des osselets. Ceux-ci ouvrent la voie de transmission des sons de l’oreille externe à l’oreille interne. Ils jouent également ce rôle nécessaire d’amplificateurs. Ce sont le Marteau, l'Enclume et l'Etrier. (5)

L’oreille moyenne est remplie d’air. Elle communique, en outre, avec l’extérieur par l’intermédiaire de la trompe d’Eustache, qui débouche au fond de l’arrière cavité nasale. L’orifice de la trompe d’Eustache se trouve normalement fermé mais s’ouvre à chaque déglutition, permettant ainsi l’égalisation de la pression du tympan.

L’oreille moyenne, par cet intermédiaire, est directement liée à l’organe de phonation.

à la voix.

L’oreille et la bouche parlante sont tissées d’un même réseau.

Si j’insiste volontairement sur cette complémentarité de l’oreille et de la bouche, c'est que nous verrons plus loin que c'est une spécificité que réalise à son tour, symboliquement et techniquement, le haut-parleur, non sans nous en proposer quelques extensions fascinantes.

L’oreille interne est donc constituée de deux parties distinctes, à savoir l’organe vestibulaire, garant de notre équilibration, directement relié aux osselets par une fenêtre ovale, elle aussi membranique, et la cochlée, région enroulée sur elle-même en forme de colimaçon qui est le véritable organe de l’audition.

La stimulation de ces organes sensoriels, articulés en série, déclenche l’apparition de variations de nature électrique au sein de l’oreille interne, enchâssée profondément dans l’os temporal. Celui-ci assure, de plus, une isolation efficace envers les bruits internes du corps qui, sans cela, nous submergeraient : notre être de chair vit de remous incessants, de torrents de matière sonore transportée, battue, rythmée ; sans cette isolation naturelle et nécessaire l'oreille nous ouvrirait le corps à la façon d'un écorché sonore.

Dans ces régions de l’oreille labyrinthique il est possible de croiser, en suivant les méandres en rampe de la cochlée enroulée, et parmi la complexité d’autres cheminements, des cellules ciliées, diversement baignées. Ici, le milieu bascule vers une dominante liquide. C’est ainsi, par exemple, que les diverses fréquences vont se localiser, dans la cochlée, le long de différents canaux qui la divise, ainsi que selon la consistance des liquides stimulés, assurant, dès lors, une réponse sélective des fibres du nerf auditif. Les cellules ciliées propagent leurs propres excitations aux terminaisons nerveuses, le long des fibres de la chaîne nerveuse auditive, jusqu’à l’aire cérébrale auditive. La sensation se crée ensuite au niveau du cortex, à la suite des informations reçues par l’intermédiaire du nerf auditif.

De l’extérieur vers l’intérieur le labyrinthe de l’oreille nous précipite d’un milieu aérien vers un milieu liquide, où plongent des terminaisons nerveuses, elles mêmes reliées aux aires cérébrales via un courant électrique. Le complexe de l'oreille déroule un enchaînement de régions diversement constituées, éveillées, traversées, traduites, interprétées.

L’oreille est un système de relais.

Ne reconnais-tu pas, en suivant ce bref croquis de l'organe de l'écoute, l’ordonnance mécanique du haut-parleur lui-même tel que je le décrivai au début de cette lettre : une membrane à l'allure de tympan, martelée, le tout électriquement enchaîné ?

Mais ceci avancé, et en espérant que ces indications t’offrent une assise pour la pérégrination à venir, il nous faut, tu en conviendras, revenir plus précisément au sujet principal de ma lettre : le haut-parleur et la voix, le haut-parleur et sa fonction miroitante - donc imageante - dans la mesure où, associé au microphone, à l'instar de sa génèse technique, il est le lieu même du dédoublement sonore.

 

 

Face au haut-parleur : le frisson… la magie

Dans tout haut-parleur se tient en attente, lovée, à l'affût, une voix.

Et cette voix est ton image, en face de laquelle, à l’écoute, tu risquerais de t’effondrer, déçu par cette distance creusée entre toi et ton fantasme d’un moi parfait, idéal.

Profitant de cet écart qui est celui-là même où nous entraîne toute idée d’image, voici que cette voix - ta propre voix - te saute au visage.

Elle t’échappe.

T’inquiète.

T'épouvante.

Puis te sépare.

Toi de ton image interne. Toi tout à coup confronté à cette nouveauté externe, mystérieusement rehaussée, déformée et amplifiée.

Parfois même enregistrée.

Il faudrait dire : revenante.

Car te voici bel et bien dédoublé.

Décollé par un artifice technique infantilisant de par sa toute puissance. Et cette puissance fraye dans les parages d'une magie étrangement familière. Te voici confronté au sinistre pouvoir de ce qui aspire, fascine, gèle, avec cette habileté démoniaque de te rejouer, de te répéter à l’infini de ce que tu n’es pas, car jamais, en réalité, sans un tel subterfuge technique, ta voix n’aurait pu de la sorte se déplier, ni se différer, dans le présent, le futur, comme dans le passé.

Et si cette voix qui revient sur toi n’était pas toi ?

Et si cette image sonore que de toi tu possèdes était, de par cette expérience, profondément faussée, défigurée – mise en tout cas à l’épreuve ?

C’est un fait : ta voix, dédoublée, semble venue d’ailleurs, ne t’appartient plus.

Tu t’écoutes et quelque chose d'autre, alentours, te désigne.

Éventuellement menace.

Tu es désorienté.

Tu ne sais plus qui tu es.

Peut-être même n’es-tu pas qui tu sais être.

Il se manifeste alors en toi ce sentiment d’inquiétante étrangeté.

Et qu'est-ce qui te hante ?

Qu'est-ce qui est en jeu ?

Ta constitution.

Ton individuation.

Es-tu certain d'être là ?

Dans tout haut-parleur se tient en attente, lovée, à l'affût, une voix. Et cette voix est l'image de ta voix.

Par cet artifice technique te voici donc altéré.

Devenu autre.

Incertain.

Frissonnant.

Dialoguant avec un toi au dehors, alors que ce dehors, à proprement parler, est tout à coup l’image même de ton dedans. Défiguré. Et ce dedans, dès lors, qui t’emporte vers l'insolite, t’écoute du dehors.

Il flotte, entre-deux, dans un lieu d'abstraction trouble.

Ton espace de vie bascule.

Ton image bascule.

L’idée que tu te fais de ton image - de ce que tu croyais être ton image - vire et glisse. Tu abordes, de plein front, à l'aplomb de ton existence, sans vraiment t'en rendre compte, l’espace spéculaire.

L’espace du miroir.

L'espace " où tu te saisis comme autre et où l’autre est l’image de toi : un monde de la métamorphose du même. " (6)

Ta voix, qui ne t’était audible comme telle que par le retour de l'écoute de l'autre - quand bien même tu possèdes l'image sonore interne de ta voix en propre, vécue de l’intérieur - se met à vivre toute seule. Elle s’objective. Ta voix, dédoublée par l'effet miroir du haut-parleur, t’indique toi-même comme sujet mais qui te semble bien différent du sujet que tu t’imaginais être.

Es-tu en train de revivre cette expérience première du bébé, lorsque tu n’étais toi qu’au travers du visage et l’écoute de ta mère ou de ton père, lorsque tu découvrais, simultanément, que tu étais aussi autre, individu à part entière, distant, parfois solitaire, expérimentant cette aventure de vivre par toi-même ?

Es-tu brutalement ramené à ce temps de fusion d'avant les signes ?

Face au haut-parleur miroitant, lieu de l'espace acoustique spéculaire, se trame une mise en abîme affolante.

Serti dans l'enceinte acoustique, du plus haut de sa stature d'enceinte figée, le haut-parleur suscite ce sentiment d’inquiétante étrangeté. (7)  Il nous lie à ces souvenirs d’un état ancien, idéal, familier, tout comme à ce souvenir de la perte commençante de cet idéal.

" Le miroir, ainsi que l’acte de se regarder dans le miroir introduisent les problèmes de l’émergence d’une identité primaire, de confusion d’identité, de perte d’identité aussi bien que le problème de maintient de l’identité. " (8)

De même, le caractère d’inquiétante étrangeté, inhérent à l'idée du double - à la répétition du même - proviendrait de ce fait troublant : " le double est une formation appartenant aux temps psychiques primitifs dépassés […] Il s’agit du retour à l’époque où le moi n’était pas encore nettement délimité par rapport au monde extérieur et à autrui. " (9)

Dans tout haut-parleur se tient en attente, lovée, à l'affût, une voix. Et cette voix est l'image de ta voix – voilée.

Où donc es-tu face au haut-parleur ?

Dedans ? Dehors ?

Glissement de l’un à l’autre.

Où donc es-tu ?

Et où vas-tu dans cette magie ?

 

 

Petite histoire du double

Il faut que tu imagines l’homme ancien, primitif, grand marcheur des forêts et des plaines, questionneur devant son ombre portée sur le sol ; ombre sans cesse mouvante, allongée, étirée sous la lumière solaire dans une marche intime. Or voici que cet homme y raccroche son âme. Voilà qu’il considère cette ombre comme le double de son moi. L’ombre est une des premières et des plus primitives représentation de l’âme, dit Otto Rank, car elle est une des plus fidèle image du corps ; aujourd'hui encore, dans certaines langues, les appellations d’ombre, d’image et de reflet servent aussi à désigner l’âme. (10)

Sur ce double, en conséquence, par la force de sa pensée, l’homme primitif projette les bonnes parties de son moi qu'il désire sauvegarder. Il sait qu’il est mortel. Il sait qu’il est menacé dans son intégrité physique. Il a déjà vu les siens disparaître : nourrisson emporté par une hyène, vieillard s'effondrant dans sa carcasse trop fragile, chasseur plein d'âge et de vie le cœur stoppé lors d'une joute fratricide…

Le double devient dès lors un lieu idéal, abri face à la cruauté du monde, et ce que l'homme " projette devant lui, comme idéal, est le substitut du narcissisme perdu de l’enfance : en ce temps là, il était lui-même son propre idéal. " (11)

Le moi, à l’origine, aurait donc été double.

Constitué d’une partie vivante, charnelle et mortelle.

Constitué d'une partie comprenant l’âme invisible, mais néanmoins perceptible dans l’image du corps du sujet rendue par l’ombre ou le reflet.

Il aurait été possible, dès lors, pour l’homme primitif, d’objectiver son moi. Voire de se conforter, de jouir d'une toute puissance. Au sens où il lui aurait ainsi été donné d’observer, à distance, son moi idéalisé, par là de nier cette mort qui fouille, brise, défait les chairs, enfin souffle le corps en entier ne laissant sur le sol que quelques os blancs.

Cependant, pour l'homme primitif, ce double se retrouvait projeté à l’extérieur. Au dehors. De fait : à nu. En prise avec les ténèbres environnantes qui auraient pu, à son tour, l’attaquer, l’effacer, le décrocher, rendant caduque tout espoir d'un retour à ce temps de fusion – dévoilant ce risque atroce qu’il ne devienne qu’une âme sans corps, destinée à errer avec les autres âmes perdues dans le désert de l’éternité.

… Après tout, de par son essence, le double n'hurle-t-il pas sans cesse son appartenance au moi-corps d'origine ? Résolument audible, il se fait traquer, bientôt reconnu par les forces sauvages, extérieures, qui sans relâche, guettent. Cette mise en pâture serait comme un espace d'affront. Pour ne pas dire l'entrée délibérée au sein d'un piège. Le double signant là un accord tacite, tant avec ce qui jamais ne se manifeste sans tuer qu'avec son origine qu'il n'a cessé d'indiquer…

Pour l'homme primitif il était alors nécessaire de protéger ce double. Par des rituels divers. Par l’interdiction, peut-être, de représenter. Car si ce double pouvait être attaqué, en quoi l’homme ne serait-il pas lui-même infiltré, en retour, par ces mêmes puissances ténébreuses ? Apparaît chez l’homme primitif un doute quant aux qualités idéales de l’objet narcissique : " trop proche, littéralement, du sujet, le double allait désormais représenter pour lui un danger mortel contre lequel il faudrait se défendre. " Voici donc l'homme arrivé en ces régions où, pour tenir en équilibre le moi, il lui faudrait se séparer de son double : d’un statut d’ange gardien le voici devenu diable dont il devrait à tout prix s’éloigner.

Dans un retournement, le double ne sera désormais plus qu’une copie infidèle au corps du sujet.

" Le double qui était, à l’origine, le substitut concret du moi, devient à présent diable ou contraire du moi, qui détruit le moi au lieu de le remplacer. "

C’est à ce moment, souligne Otto Rank, que se différencient ombre et reflet par rapport au double. Ce dernier restant réceptacle de pulsions agressives de toutes sortes, alors que les pulsions qui lui sont retirées seront introjectées avec le moi idéal et l’âme pour œuvrer à la totalisation du moi.

Corps et âme feront désormais un tout.

Le reflet et l’ombre ne seront plus que les manifestations objectives et naturelles de la présence du sujet.

Le double, délaissé, frayant de son côté, haineux et solitaire comme un pauvre diable…

Aujourd’hui, dans notre imaginaire, dans ce qui en nous se nourrit de labyrinthes et de caches, ce double, tel que nous l'avons compris évoluer dans la vision des anciens est encore là.

Dehors.

Il rôde.

Tourne autour de nous.

Éventuellement nous traque.

Ce double qui réveille des angoisses archaïques pourrait venir manger notre moi. De là, déconstruire notre identité – cette base en évolution permanente qu’il nous faut constamment maintenir, travailler, élever.

N’oublie pas que nous sommes " un assemblage fugitif, un composé dont les ingrédients n’attendent qu’à se disjoindre. " (12)

N'oublie pas que si, aujourd'hui, notre tenue de vie nous semble acquise, elle n'est qu'un leurre consensuel et flotte dans un monde où l'incandescence se repaît d'étranges rapaces.

 

 

Haut-parleur miroitant

Être face à un haut-parleur c’est ce moment où, en puissance, tu es à même de t’y retrouver comme retourné, face à ta voix amplifiée, enregistrée, copiée, en tout cas bien étrangement dédoublée.

S’enregistrer, se réécouter, c’est s'élancer dans l’espace sonore d’un miroir acoustique.

Et ce miroir, où fraye une myriade de faces déceptives - puisqu' uni à l'effet d'écart que suscite toute entrée en image -pourtant nous fascine.

S’enregistrer, se réécouter au travers du haut-parleur, c’est se suspendre à une illusion. Se nourrir de cette illusion. S'entretenir dans cet effet du retour sur soi de sa propre image sonore, par un accroissement machinique invoquant un prolongement du fait même de parler.

En effet, par nature, tout en étant offerte pour l’extérieur, pour communiquer, la voix s’écoute en soi comme par reflet dédoublé. Parler, projeter des sons au dehors, c'est aussi jouer et jouir de cette sensation réflexive de sa voix agissant au dedans.

Parler, c'est auto-miroiter.

Parler est circulaire.

Et l'effet miroir du haut-parleur réactive, selon moi, lors de la perception des sons par lui projetés, cette singulière circularité du même.

Souviens-toi à quel point le haut-parleur incarne, de par sa configuration technique et son histoire inventive, l'imbrication de l'organe phonatoire et de l'oreille. N'as-tu pas déjà connecté, dans ton atelier des sons, un microphone à la place d'un haut-parleur et constaté comme il était aisé d'en échanger leur spécificité : le haut-parleur devenant microphone et le microphone devenant haut-parleur ? L'un, capteur, devenant projecteur, l'autre, projecteur, à son tour devenant capteur ?

 

 

Vers la vivacité de l'image naissante

 

" Une oreille, séparée, écoute. "

Paul Celan

S’enregistrer, se réécouter, aborder le haut-parleur de front comme un miroir c’est se prendre, corps à corps, dans le filet magnétique de l’écoute répétée d’un corps sans corps - ton propre corps vocalement dédoublé - lorsque son rendu imagé, décalé, t'approche, subitement, d’une dissemblance et ouvre, manifestement, sur une aberration acoustique.

Et cette aberration, quand bien même elle suscite des bouffées effrayantes, qui seraient toi t'apercevant en tant que double méconnaissable est aussi un avènement.

Avènement né d'un interstice.

Issu du déboîtement de toi vis-à-vis de toi.

Déboîtement te soufflant dans l'oreille : – au-delà, il y a quelque chose d'autre…

De cette disjonction éclôt l'occasion audible d'une entrée en un lieu insolite : le lieu originaire de l'image.

Ce lieu où l'original, dégradé, a été pour ainsi dire oublié.

Mieux : ce lieu d'où l'original s'est retiré, laissant la place - la venue - à ce que jamais auparavant tu n'aurais pu rencontrer : la vivacité de l'image naissante.

Cette vivacité naît d'une combustion jouissante.

Qui s'élève.

Et t'exalte.

Lorsque tu t'arraches à l'idée du double comme exclusive revendication archaïque et effrayante.

Lorsque tu y trouves, à l'opposé, un point d'ancrage – pour un envol.

S’enregistrer, se réécouter, c’est donc s’abandonner à ce qui se matérialise auditivement comme saisie impossible. Mirage d'aberration déconcertante qui, par cette éventualité d’une écoute en différé, saurait revenir.

Revenir pour te hanter.

Ou pour te rehausser.

En tout cas : pour te guider.

Tu es son hôte.

 

 

Dans ton oreille il y a ta bouche

Alfred Tomatis, dans L’oreille et le langage, insiste sur l’importante unité fonctionnelle de la bouche, de la face et de l’oreille. De part une véritable conjoncture neuro-musculaire, étudiant l'évolution des origines territoriales des différentes parties de l’oreille par les voies de l’approche embryologique, il en vient à considérer l’oreille comme une "bouche sonique." (13)

L’audition et les organes de la voix sont accouplés. Ils vivent dans une intimité organique. C’est ainsi que l'on comprend comment nos mimiques faciales sont liées, fonctionnellement, à notre manière d’entendre, ou encore de quelle façon, lors d'une ascension montagneuse, la simple déglutition nous dégagera de l’effet de pression atmosphérique que subissent nos tympans.

La connaissance du monde est une connaissance sonore de ce monde, que ce soit depuis l’audition utérine liquide jusqu’au milieu des bruits aériens. Pénétrer le monde, progressivement le comprendre, depuis notre prime enfance, c’est aussi le pénétrer par l’apprentissage de nos propres manifestations vocales." (14)  Lâcher un son, dit Alfred Tomatis, c’est d’abord l’auto-contrôler. Élaborer un son ou un cri, c’est l’imaginer tel qu’on le voudrait, puis le jeter dans l’espace et l’écouter pour juger s’il répond bien à ce que nous pensions créer. " Lâcher un son c’est le découvrir au moment même de son émission, se trouver surpris de son intention qui déjà nous échappe, c’est réagir encore et encore en relation mimétique comme si " l’oreille enclenchait un rejet buccal de ce qu’elle venait d’écouter et de digérer. " (15)

L’oreille capte à distance.

L’oreille prolonge notre corps.

L’oreille se love jusqu’aux franges les plus lointaines de sa portée auditive.

La voix - la bouche - en réponse imbriquée, imite et redonne.

C'est en se sens que l'oreille peut être envisagée comme une bouche sonique.

Il est important d'admettre cette liaison bouche-face-oreille comme un système complet, musculairement associé, capable d’engranger le sonore, de l'analyser, le comprendre, tout comme de le restituer.

Le haut-parleur, au microphone et à l'enregistrement associé ne renoue-t-il pas avec la physiologie de nos organes, lorsque matériellement - et symboliquement - bouclé sur lui-même, son assemblage mécanique tour à tour inversement connecté se transforme en écoutant ou en parlant ?

 

 

Dans ta bouche tu voudrais le monde

L’écoute première est un bain. Un bain sonore intra-utérin où le corps du bébé, en entier, écoute. Par la vaste surface de sa peau, les ongles, les yeux, le crâne, par toute son architecture osseuse en pleine évolution, par le dedans du corps en entier puisque le liquide amniotique est à la fois autour du corps, dans le corps, dans l’estomac, les organes.

Pour l’homme adulte, l’oreille, dans son architecture la plus interne est aussi une poche liquide. Cette liquidité de l’oreille pourrait être le vestige, incorporé, de l'écoute liquide dans le ventre maternel.

J’imagine un érotisme de l’écoute associé au fait même de parler, lié à cette liquidité première.

Erotisme qui subsiste lorsque parler c’est vibrer par soi-même de tout son corps.

Erotisme qui se prolonge lorsque parler est un contact – aérien.

Parler, c'est épanouir son corps à distance.

Parler, c'est prendre le monde dans la bouche.

C'est pour cela que l'audition intra-utérine est une chance. Elle a inscrit, en nous, une identité première, omni-directionnelle, multiple. L’audition intra-utérine, bien avant la naissance du langage, aura été une expérience de perception totale de tous les sons du monde ; écoute colorée, il est vrai, par le filtre du corps de la mère.

Mais surtout, c'est cela qui importe, annonçant ce désir - un appétit - ouvert, de restitution de tous les sons du monde par l'organe phonatoire tout juste parlant.

 

 

Le langage, flèche pour survivre

Si la bouche est un trou, une entrée à l’orée du dedans du corps, partageant cette tâche de projeter du sonore tout comme d'être une passe alimentaire, il faut apprendre, en suivant de nouveau Alfred Tomatis, que le moment originaire de toute émission vocale est intimement lié, paradoxalement, à l’évidence d’une clôture.

Le premier cri, à la naissance, est généralement lié à ce moment de la coupure du cordon ombilical. Le premier cri marque ce passage du milieu liquide au milieu aérien. De façon intense. A ce moment s’installe un nouveau mode de fonctionnement de l’organisme, qui se clôt sur lui-même. C'est l'abandon, vécu de chair, du tout originel. Le début d'une entrée en solitude. La cicatrice ombilicale peut donc être considérée comme le lieu de naissance de l’activité symbolisante du sujet. Point de départ qui le relie à son origine et le lance, désormais solitaire, dans l’activité. Vers l’autre. Par la voix : " la fermeture du trou central par où la vie biologique lui est advenue décentre l’homme de son corps-chose et le renvoie à sa périphérie. Elle le détache de l’immédiate vie organique. […] Elle lui ouvre le monde et elle l’ouvre au monde organisé par la parole. " (16)

Lors de l’absence de sa mère le bébé met en activité son imaginaire. Seul, il tente de restaurer sa présence, le souvenir d'une plénitude, en imitant de son mieux les mimiques corporelles et vocales. Il opère, par là, à un rétablissement. Ce " rétablissement différé […] est le fait d’une activité psychique qui ne se déploie qu’en l’absence de l’autre, et qui s'emploie à faire de cette vacance le lieu de sa présence. Par cette activité, l’enfant […] se fait autre, pour mettre en échec l’augmentation douloureuse de la tension et le déplaisir qu’elle lui procure. Il tente d’être autre pour demeurer le même. " (17)

Le cri du bébé appelle donc une réponse.

La réponse de la mère offre le répit, la satisfaction, et crée la mise en scène d’une séquence alternée à partir de laquelle peut s’établir le déploiement de l’appareil psychique. Dans sa capacité d’être seul le moi se fortifie, prends ses distances à l’égard de cette dépendance.

Ce retrait est source d’harmonie.

Constituer son moi, l’affermir, c’est donc progressivement se doter d’une enveloppe solide. Certains diront : " l'enveloppe sonore du moi. " (18) Constituer son moi, s'individuer, c’est progressivement cerner son image en propre, par là se détacher du monde, devenir une poche d’équilibre – c'est un avènement.

Mais est-ce que cet équilibre, ainsi désigné, ne se tisse pas sur une immensité instable ?

Est-ce que ce dialogue avec l’autre absent-remplacé, repris dès lors dans la bouche, malaxé, imité, digéré en sons, en images, ne désignerait pas, sur l’extérieur, par défaut, un chaos qui toujours est là, alentours, en chasse ? Une force assiégeante, continûment harcelante, bien éloignée de la plénitude originaire ? Cette force qui, sans la capacité psychique de remplacement de l’enfant - signant de la sorte une résistance en mettant en place son enveloppe sonore en regard - pourrait se déployer comme un espace inhabitable, un flux disloquant, mortel, ravageur ?

Qui y a-t-il tout autour qui nous écoute, nous touche, nous regarde ?

Pour le bébé, par concession et nécessité vitale, l’attention, toujours en recherche va donc se ficher sur l’autre. De là, progressivement, éclôt le langage. Né de l’imitation le langage désigne le dehors, le nomme, l’amène à soi pour à nouveau s’y projeter, le posséder, le comprendre.

Dans cet aller-retour incessant, au fait même d'une vivacité encore et davantage circulaire, se profilent en arrière scène les effluves passées d’un prolongement de soi avec le monde comme en une coïncidence.

Sur l’arrière de la constitution du langage tout juste naissant se profile, caché, recroquevillé, le grand filet tous les choix.

Un vocabulaire autre.

Un tout autre langage.

Une palette immense – l'exigence incandescente de reformuler, par la bouche, tous les sons du monde.

Or, si le langage, dans son élaboration symbolisante nous resserre, nous recentre, nous retient, il ne faut pas oublier que, de même, il nous assure une tenue.

Il nous permet de passer.

De survivre.

Face à ce tout qui " s’il s’articulait en paroles […] nous dirait la vérité, le secret de notre destinée, et nous conterait une histoire de mort. " (19)

Le langage nous enlace à la constitution dorénavant nommée du dehors, en vue de l’échange avec autrui, en vue de l’édification d'un monde, non sans laisser en nous, comme un pôle d’attraction enfoui, ce lieu de nostalgie, ce passé d’un tout sonore.

Quand nous étions de chair à chair avec le monde.

Quand nous étions le monde.

Et si le haut-parleur, à l'enregistrement associé, né dans les mains intuitives d’un poète et d’un typographe réalisait ce fantasme d’une bouche et d’une oreille accouplées en un système d’équilibre – une bouche-oreille-haut-parlante capable de restituer ce qu’elle entend: tous les sons du monde ?

 

2.

La voix, morceau de corps, élan de conscience

Dans tout haut-parleur se tient en attente, lovée, à l'affût, une voix.

En suivant cette idée de la voix comme vivacité féconde dans un rapport immédiat à soi et à autrui, (20) le langage, quand bien même il circule librement dans les airs est accroché au corps. J'ai envie de dire : accroché à la chair elle-même. La voix suit ce cheminement ascendant du bas du ventre, remonte œsophage et gorge, approche la tête, la traverse, s'articule sur cordes et s’échappe, soufflée, vivante.

La voix, axée sur le dehors, trouve alors son lieu d’émission au milieu du visage – comme au centre de la baffle la membrane du haut-parleur.

Tout visage est une bouche qui concentre, en un point, d’étranges sinusoïdes musculaires, combinées, malaxées, articulées avec cette volonté fascinée et fascinante, lors de l’échange, de devenir centre corporel total : ce lieu par où tout passe – comme la membrane du haut-parleur.

Tu pourras admettre, par exemple, que t’affubler d’un masque suffisse pour que sombre une partie de ta personnalité. Perdre ta face en enfilant un masque, et de là, continuer de t’exprimer, ce serait obliger l’autre à se focaliser sur du verbe sans bouche, du sonore pur, naissant de ton corps facialement figé, ton corps renonçant à son expressivité visagière habituelle. Un masque, bien sur, n’est jamais neutre. Mais il est généralement pétrifié. Tu objecteras aisément que les gestes, les postures façonnent encore l’échange, comme si le vocal, de cette façon délocalisé, pouvait trouver dans une main, un pied, un coude ou même, pourquoi pas, le mouvement de tout le corps, une sortie pour s’exprimer. L’oralité n’est donc pas réservée à la bouche seule. L’oralité est accouplée au corps en entier.

Cependant, la voix, par ses subtilités rythmiques, sa panoplie irisée de courbes vocaliques, de hauteurs ou d’intensités est foncièrement le dépôt de l’intention, aussi subtile soit-elle. Elle en est le passeur. Elle identifie ton corps. Peut-être même, finalement, le porte-t-elle à elle seule, en entier.

Elle est un morceau de corps.

Lucrèce ne dit-il pas quelque part : " Il est donc impossible de douter que la voix et les paroles ne soient faites d’éléments corporels, puisqu’elles sont capables de blesser […] La voix est donc nécessairement de nature corporelle, puisque parler beaucoup nous cause une perte de substance. " (21)

De même, Plutarque : " Ce que le peuple n'ayant pas trouvé bon, se prit à crier si fort, qu'un corbeau volant à l'instant par dessus, s'en éblouit et tomba emmi la presse du peuple : par où l'on peut comprendre, que les oiseaux qui tombent de l'air en terre, ne chéent pas pour ce que l'air agité par aucune véhémente concussion se rompe ni se fende : mais pour ce que le coup de la voix, quand elle est si forte et si violente, qu'elle fait comme une tourmente en l'air, les frappe et les atteint. " (22)

La voix habite, en même temps se détache du corps porteur de conscience. La voix joue en interne, silencieuse, accolée à l’esprit qui lui assure la naissance – simultanément, elle est cette manifestation organique d’une extériorisation qui se déploie dans l’espace de sa portée acoustique. La voix se manifeste au travers de tissus charnels qui nourrissent l’éventail de l’être comme puissance repliée sur elle-même pour, de là, dans un élan fécondant, jaillir dans l’espace des relations.

La voix porte par-delà le corps un élan de conscience.

Le haut-parleur, à son tour, poussant l'air par l'entremise de sa membrane mécanique, est un lieu-éventail, ramifiant le sonore autour du pivot de sa stature immobile.

 

 

Exigence d'un au-delà de la voix dans le haut-parleur/idée d'image

Le son qui naît du haut-parleur provient d’une surface attachée à un volume frontal.

La voix, tout autant, agit dans la frontalité.

La voix sort du corps par devant, pour aller se ficher dehors. En direction de l'autre. Elle s’échappe pour atteindre, pour toucher. Pour frapper, espérant, en retour, une réponse.

Dans ces conditions, pareillement, le haut-parleur est une voix. Il est construit, par convention, dans cette idée d’un son lancé à la rencontre de l’écoutant, lui même susceptible, au demeurant, de se situer dans un positionnement idéal. C’est à dire en face de ce même haut-parleur. Dès les origines le haut-parleur a donc été pensé pour donner à entendre de la voix, de la bouche, dans une logique du tendre vers.

Le haut-parleur, c’est une voix.

Ça n’est peut-être même qu’une voix.

Dans tout haut-parleur se tient en attente, lovée, à l'affût, une voix.

C’est pour cela qu’une voix enregistrée, diffusée au travers de ce masque quasi pétrifié qu'évoque l’enceinte acoustique - le haut-parleur, de son côté, comme cornet de papier est extrêmement mobile - n’en finit pas de nous parler malgré son allure fantomatique de voix sans corps. Tel un audible au visible désaccordé, la voix haut-parlante, jouissant ainsi d'une intimité sans précédent, nous communique ce non-dit qui circule entre les mots, au-delà des gestes, des postures, tout comme la permanence d'une ancienne tenue corporelle.

Mais pour vraiment faire parler le haut-parleur il ne suffit pas de s’en servir que comme émetteur, que comme lieu par où ça passe, ne fait que passer, traverser.

Il faut que celui qui l’utilise dote ses sons d’une valeur.

Cette valeur sera, par exemple, leur inoculer la fougue d’une prise de possession.

Afin que les sons aillent posséder à leur tour.

Il s’agit de créer un espace de contagion – contagion de fait mise en cache, pliée, et qui saura revenir en surface lors de futures rediffusions.

Contagion portant en elle des germes d'images.

Contagion nous inoculant cette exigence d'un au-delà de la voix.

Il s’agit, pour cela, plutôt que de simplement enregistrer une voix, ou tout autre sonore au devenir haut-parlant, de travailler à créer une subtile mise en relation. Relation entre celui ou celle qui écoute et la manifestation haut-parlante. Relation nous donnant accès, dans ces conditions, à ce que l'on peut appeller la chair de l'audible. C'est à dire à une incarnation, pour le sonore, prenant pied, véritablement, dans le monde - monde flottant ou ira se prendre l'image - quand bien même cette chair ne saurait être immédiatement palpable, en aucun cas ne se désignera sous couvert d'un soi-disant projet qui, naïvement, consentirait à sa venue, à son audibilité.

Marie Jozé Mondzain : " l'incarnation n'est rien d'autre que le devenir image de l'infigurable […] L'image donne chair, c'est à dire carnation et [audibilité] à une absence dans un écart infranchissable avec ce qui est désigné. " (23)

Cette chair est la manifestation expressive du monde en tant qu'entrelacs, qui serait rendu au travers d'une poétique haut-parlante, résonant avec notre expérience intime de la fusion originelle que j'exposais plus haut – chair à comprendre ici comme fondation, en vue d'être insufflée d'une poétique.

Quant à cet écart, il est la distance obligée entre ce qui a été et ce qui est dorénavant image vivace, pour ne pas dire vivifiante, dans le lieu même de sa présence haut-parlante.

L'absence, de son côté, est un terreau salvateur lorsque une relation s'enclenche et que, paradoxalement, s'élève l'image ; absence – puisque toute poétique s'érige dans un vide qui l'absorbe ; poétique souriant de l'inutilité rayonnante du simple fait d'être là.

Voici un court exemple : il n'est pas suffisant de se contenter d'enregistrer, à plat, une voix. Ce ne serait là que constituer un imagier sonore. Et l'imagier n'est pas le lieu de l'image vivante, de l'image qui parle. Tout au plus est-il informatif. Encore faut-il que cette voix enregistrée soit dotée, dans l'interprétation de sa manifestation haut-parlante, d'une intention sans intention. Afin que son intention de parole, ainsi subtilement dénuée, s'achemine au travers de l'enregistrement, puis du haut-parleur, et prenne corps, enfin, en présence. (24)

Le haut-parleur, via l'enregistrement, se pose donc à la fois comme médium de transparence pour ce qui parle – tout en même temps masque que l'on se doit d'insuffler, poétiquement, économiquement, de vitalité fondatrice, afin d'atteindre autre-chose. Et c'est essentiellement dans cette lignée d'attention que le haut-parleur dépliera une voix. Voix au sens d’un corps possédé par une voix qui maintenant parle en lui, à la manière " de ces voix qui se saisissent momentanément du discours, le chevauchent, le ravissent par endroits, sans que l’on sache d’où elles sortent ni de quels esprits elles sont. Lorsqu’elles viennent d’autre chose en nous. " (25)

Il ne s'agit pas ici de prétendre, au travers d'une reproduction haut-parlante, travailler à dérober un morceau de l’être et, par là, de se prendre au piège d'un archaïsme dans la perception des images, mais plutôt, sans attitude idolâtre, de comprendre la voix enregistrée - et tout autre sonore haut-parlant - comme vecteur manifeste de la vie, quand bien même, dans un dispositif demeurant paradoxal, nous avons le plus souvent affaire à des traces.

Je veux dire :

D'une part, lorsqu'au haut-parleur associé, la voix devient véritablement le projecteur de l’image corporelle - l'identité - de celui qui s'adresse : vivant avec nous, depuis son ancienne réalité incarnée, elle s'affiche alors, sous les conditions ci-dessus énoncées, comme un nouveau personnage : le personnage de l’image.

D'autre part, lorsque le haut-parleur, au travers d'un sonore ainsi déplié projette habilement sur le dehors " le non-lieu de ce qui parle et institue un nouvel espace d’énonciation. " (26)

De là se combineront des relations vives.

Pour un imaginaire sonore riche et fécond.

Dialoguant.

Pays fertile propre à l'insémination d'une poétique.

Pays fertile, comme un espace de liberté.

Pour la venue, au jour, de l'image.

Mais toutefois à l'écoute d'un haut-parleur que désirons-nous réellement entendre ?

Ce n’est pas uniquement de la voix articulée.

Ni forcément du sens mesuré.

C’est ce qui travaille dans les souterrains de la tête, de la bouche, sous la langue, dans le ventre, les organes et s'enfuit emporté par la démesure de sa vitalité.

C’est ce qui cherche à sortir, à prendre vie, même inarticulé.

Ce qui cherche à sortir pour méduser, fasciner de son excès de présence et enfin parler, au-delà de toute vocalité.

Un langage, certes, mais un langage usant de tous les sons du monde.

 

…si le haut-parleur est une voix - une bouche - le voici à son tour devenu orifice… orifice dans le corps de l'écran des sons qu'il projette… orifice dans le corps de l'espace d'énonciation qu'il institue… tête… tête dotée d’une bouche ouverte… miroir… trou dans un miroir qui parle… miroir membrané comme zone articulatoire de sa phonation… phonation écoutante… écoute retournée sur elle-même… puits où se pencher serait l'ouverture de notre oreille à un recueil de voix… mieux : le recueil de tous les sons du monde…

Le haut-parleur, du plus lointain de sa constitution technique nous écoute. Lieu de tous les possibles sonore, il nous perd à trop vouloir l’ausculter. Après tout, derrière cette membrane mouvante de papier ne se repli qu’un vide machinique. Une armature encollée de bois, de fer aimanté, de vis, câbles et clous.

Pourtant, comme stèle immobile, à l'allure miroitante, chacun s’y projette, éprouve avec lui une étreinte quasi-fantômatique, allant même jusqu'à y cueillir et manger ses fantasmes.

Si le haut-parleur à cette stature miroitante, inhérente à sa genèse technique, en quoi le fait d’y être possiblement dédoublé est-il déstabilisant ? Qu’est-ce qui nous permet d'adopter, face à lui, tantôt une posture de retrait, une méfiance, tantôt cet enchantement abyssal vers un océan primordial ?

Est-ce uniquement dans ce battement en éventail du dedans vers le dehors, du dehors vers le dedans, de l'audible vers l'inaudible, de l'inaudible vers l'audible que se constitue un lieu ouvert à la venue des images ?

 

 

Miroir lucide, poétique de la relation

Au sortir du haut-parleur les sons frayent dans l’espace à la recherche d’un corps écoutant pour aller s’y ficher. Ils ne seront dès lors recueillis qu'à la hauteur de leur sève ensorcelante. Sans cela, déjà les entends-tu repoussés, rejetés, détestés. Dégueulés. Ils ne se meuvent alors que comme des enveloppes vides, stériles, vouées à errer d’une machine à l’autre, d’un haut-parleur à un autre, sans aucun attrait, si ce n'est pour leur plastique agitée, outrageusement gonflée. Et ils restent là. Inauthentique substance. Idiots. Simulacres précaires. Invivables. Dénués de la vie que seule une poétique saurait leur insufler.

Des corps perdus – véritablement sans corps.

Des fantômes.

Travailler un son, un complexe de sons, pour le haut-parleur, c’est offrir à celui qui s’y mire un imaginaire lui donnant envie de s'y projeter, de s'y arrimer, plutôt que de ne générer qu'un reflet aliénant. Et cet imaginaire ne sera pas tant ce qui, à l'écoute d'un son fixé, suscite la nouveauté, que ce sentiment d'alliance chantante, parfois cruelle, reçue de plein corps entre des forces ayant trouvé le terrain d'une entente. Enregistrer un son, choisir de le donner à entendre au travers d'un haut-parleur, c'est estimer son efficacité entre l'image qu'il suscite au-delà de sa réalité plastique et une énergétique propre à créer du vivant Pour l’écoutant les sons s'érigeront alors comme des emportements entiers, renforçant son identité, mettant à jour un moi de l'écoute apte à dialoguer avec les personnages de l'image. De là, travailler un son, un complexe de son pour le haut-parleur, c'est munir l'écoutant d'un filet auditif à lancer sur tous ses devenirs en projection. Un monde ouvert qui se prolonge dans l'enceinte de son corps de perception. Finalement l'emporte à nouveau au dehors, enrichi d'une passation de force – monde générateur d'éclosions où la coïncidence est son urgence ; monde ou la relation est expérience.

Travailler un son, un complexe de sons pour le haut-parleur, c'est offrir une poétique à partir de laquelle se déploie, en un accroissement, une étrange abstraction. Abstraction au sens d'isoler, séparer un élément, une propriété d’un objet afin de le constituer à part. Abstraction surgie du réel de l'image comme un énigmatique effet de réalité et qui n’accède à son statut de nouvelle réalité qu’au travers de la croissance sans cesse grandissante de son pouvoir de métamorphose du même. (27)

Or le réel de l'image ne se situe pas dans ce qu'elle représente.

Le réel de l'image est ni l'objet-image, ni l'objet dans l'image. Le réel de l'image s'érige et s'épanouit dans l'espace de la relation.

Cette relation est une sève.

Et cette sève active des vies parallèles.

Ce même, en métamorphose, à l'instar d'une image démultipliée, de part sa nature, est aussi l'écoutant dorénavant libre de jouir de ses innombrables devenirs au sein d'une poétique ouverte.

Quant à cet abstrait, il ne vise en aucun cas à régner en maître, mais se doit plutôt de nous faire évoluer dans un espace de la juste mesure.

Kenneth White : " concret ou abstrait ? J’aime l’abstrait où subsiste un souvenir de substance, le concret qui s’affine aux frontières du vide. " (28)

Travailler un son, un complexe de sons pour le haut-parleur, c'est aussi le mettre en scène, lors de la fouille d'une poétique, avec cette promesse, comme un hommage, pour celui qui l'écoute, d'un véritable espoir de retour. Un accompagnement. Afin d’éloigner le corps écoutant de ce fantasme idolâtre d'un imaginaire tout puissant, infantilisant. Afin de le détourner du piège d'une totale identification qui ne deviendrait que fascination mortifère. Afin d’éviter de ne le renvoyer qu’à lui-même, comme en un effet larsen : " si le miroir [sonore ou visuel] ne renvoie au sujet que lui-même, c’est-à-dire sa demande, sa détresse (Écho) ou sa quête d’idéal (Narcisse), le résultat est la désunion pulsionnelle libérant les pulsions de mort et leur assurant un primat économique sur les pulsions de vie. " (29)

 

 

Venue de l'image

Un son qui au sortir du haut-parleur trouve sa place - trouve son corps de chair - et ce, à chaque nouvelle écoute, est un son chargé – chargé de présence. Pierre Schaeffer, dans son journal de 1948, notait déjà que le corps sonore enregistré, devenu objet sonore, accède à une toute puissance . (30) A condition bien sur qu'il devienne révélateur. A condition qu'il sache mettre à jour, quand bien même il ne naît, au travers du haut-parleur, que dans une nuit visuelle.

Un son qui au sortir du haut-parleur trouve sa place - trouve son corps de chair - et ce, à chaque nouvelle écoute, est un son transportant une chair qui parle à notre propre chair. Un son qui offre, écoutes après écoutes, une relance continuelle pour nos sens. Et ceux-ci, à cette expresse condition, s’accordent à son exigence : ils nous approchent, ainsi guidés, de la région d'un paradoxe retourné : la région d'une clarté auditive.

Cette clarté miroite sur une surface sans poussière.

Comme en un lieu d'évidence.

Or il faut comprendre que " le miroir imageant est un miroir vide. " (31)

En cela, l'idée d'image, incarnée dans un son qui trouve son corps de chair ne se situe pas dans l'effet miroir lui-même – ce miroir automate haut-parlant dont j'ai exposé au début de ma lettre les multiples éclats. Croire celà serait se prendre, naïvement, à l'idée d'image comme instance proprement localisée, ou saisissable. Ce ne serait considérer ce qui fait image que comme véracité strictement matérielle.

Je cite encore : " donner chair à l'image c'est opérer en l'absence des choses " (32)

Il existe donc un ailleurs où se manifeste l'image.

L'image vraie – la véritable image.

Certains diront : " l'image naturelle. "(33)

Celle qui parle depuis sa propre chair et va toucher notre chair d'écoutant, usant, pour sa venue, de l'éclair d'une sollicitation, de notre attention participante, puis de la chair du monde.

L'image ne se manifeste pas dans la matérialité, elle la traverse. Comment, par exemple, ce qui en elle est vivacité, naissance continuelle, avènement, pourrait se redonner encore et encore au travers des multiples reproductions des supports du sonore ?

L'image n'existe que dans les régions de la relation.

Ici-même est sa réalité.

Son efficacité.

Efficacité qui nous emporte, pour jouir, avec la chair du monde.

Et qu'est-ce que la chair du monde ?

C'est ce filet de liens qui tous nous retient, en concession de vérité, et à la mort se dénoue.

Filet de liens révélé par l'incandescence autonome de l'image, lorsqu'elle s'impose à nous comme image.

Filet de liens qu'elle invoque, parfois même à son insu, pour y apparaître en énigme.

Et cette énigme, de son dehors le plus fuyant - si nous sommes là pour l'accueillir - ostensiblement nous désigne.

Nous fait signe.

Et parle.

Depuis son lieu d'énigme.

Il n'existe alors plus aucun effet miroir.

Où la poussière pouraît-elle se déposer ?

Reste la relation poétique – relation face à face.

Qui elle seule fait vivre.

 

 

Matérialité aberrante du haut-parleur

Face au haut-parleur il faut s'accorder, malgré tout, à cet impératif de lucidité : le haut-parleur oscille sans cesse, selon l’attention qu'on lui porte, entre l'exigence d’un effet de vérité - cette prétendue transparence dans le transport de ce qui à eu lieu - et une habileté générative frayant à même les vigueurs de sa membrane.

Jouant d'aberrations acoustiques, suggérant, en phase ou hors-phase, des lignes de fuites, du temporel superposé, anamorphosé, des angles morts, du débordement, ce qui perce, se déchire ou se plie, le haut-parleur déploie toute une syntaxe de l'embuscade et du piège. En ces caches ce qui est plié toujours échappe à notre écoute. Dans ces replis de matérialité fécondante quelque chose se passe.

Une poussée inverse.

Une autorité active – symboliquement efficace.

Qui pourrait jaillir sur nous lors du décalage irréductible de notre attention écoutante : lors de notre participation emphatique à l'avènement de l'image.

Au sortir de cette accumulation de signes, de lignes de forces et de fondements, il est possible d'approcher, dans un non-lieu qui est le vrai lieu de l'image et qui, paradoxalement, vient nous saisir, l'évidence d'un seuil.

Ce seuil est situé à l'entrée d'une conflagration sourde.

Approcher, en ces termes, l'image acoustique, ce serait perdre l'orientation.

Notre oreille imageante quittant le bain de l'équilibration et se dévidant, au dehors.

Puis nous déposant.

En un lieu vide.

Une absence.

Comme en une perte de connaissance – devenue source de co-naissance.

Notre oreille devenant le dépôt d'un quelque-chose. (34)

Le haut-parleur, à son insu, dans la dérive de ses utilisations configure une inaudibilité accessible.

Cette idée du pliage, ci-dessus esquissée, comme réseau de lignes, de figures cachées, l'indique en conséquence comme matrice perceptive, fertile, accueillante.

Paradoxalement, dans leur façon de se dérober, ces caches, ces pliures, ces pièges font se déboîter son évidence généalogique vers ce qui, en lui, s’écoute comme une frontalité plastique immédiate et charnelle. (35)

Et ce sont aussi ces échappées, ces replis au travers d'une matérialité aberrante qui feront de ces déboîtements agissants un accès à la chair de l’audible, permettant la venue de l'image.

Les sons, dans le haut-parleur, s’affichent soit comme ramenés d’un lointain intérieur, soit s’actualisent à même sa surface, sa membrane, allant jusqu’à symboliquement la déchirer.

Espérant, par là, rejoindre le temps d’une maturité.

à cet instant - dans cette urgence - le sonore, projeté dans l'espace par le haut-parleur aura pour corps de maturité un corps de fiction.

Et ce corps de fiction, offert pour nous, écoutants, s'endosse.

De là nous pourrons tenter de nous faufiler.

Nous faufiler en compagnie de l'image.

Comme si, à notre tour, nous avions ce pouvoir d'être en chasse.

à nous, ensuite, de voir ou ne pas voir.

D'entendre, ne pas entendre.

Nous voici libre de jouir.

En toute lucidité.

Nous voici libre de jouer et jouir, avec l'image, mais qui déjà à trop se sentir observée se replie.

Ai-je dit que l'image vraie appartenait au monde de l'audible ?

 

 

Une copie n'est-elle qu'une copie ?

Enregistrer sa voix, un son, un complexe de son, est-ce simplement en faire une copie venue du réel ?

Une copie n’est-elle qu’une copie ?

N'est-ce pas plutôt une nouvelle naissance ?

De manière traditionnelle le haut-parleur est considéré de façon univoque : un lieu de transport, une porte sur ce qui a eu lieu faisant toujours référence à un passé antérieur. Espace de commémoration. Milieu technique idéal de la reproduction dite fidèle, parfois même abusivement objective où il ne s’agirait que de donner à entendre, semblablement, le réel ainsi capté. Idéal qui le plus souvent se refuse à accepter la démesure que génère l’acte technique de reproduction, lorsqu’il déboîte d’emblée  ce qui a été capté vers une nouvelle réalité devenant image sonore : lieu d’où se creuse sans cesse un écart bien éloigné de cette première réalité, dorénavant distanciée.

Il est tout de même important de constater que le son enregistré, représenté au travers du haut-parleur, " ne s’émancipe jamais tout à fait du corps qui le cause et qu’il amplifie. " (36)

Le haut-parleur authentifie.

Il prouve l’existence de certains moments sonores du monde.

Même s’il est possible de transformer, de traiter un son en jouant sur toutes les dérives possibles de la chaîne électroacoustique - en allant, par exemple, jusqu’à engendrer d’autres sons à partir d’un même son - comme lieu de la preuve le haut-parleur rend invariablement hommage à son exigence du constat de la référence. (37)

Et cette folie "généalogique" - dont il ne faut pas négliger l'importance pour sa nécessité rassurante - trop souvent nous obnubile car excessivement attachée à cette idée d’une dérive obligée depuis l’origine.

Voire d'une remontée forcée vers l'origine.

Remontée qui, selon moi, lorsque devenue contrainte, clôt le destin de l'image sonore et retient l'imaginaire au stade de l'imagier.

Imagier qui en aucun cas, de lui-même, ne suscitera la venue de l'image.

Si l’on abandonne cette notion d’origine, n’entre-t-on pas plutôt dans ce rapport où l’image " cesse d’être seconde par rapport au modèle, où l’imposture prétend à la vérité, où enfin il n’y a plus d’originel, mais un éternel scintillement où se disperse, dans l’éclat du détour ou du retour, l'absence d’origine " ?  (38)

En suivant cette idée le réel de l’image n’est plus son référent. " Le réel de l’image est l’effet qu’elle produit " (39) et cet effet participe de sa continuelle relance : ce qui toujours recharge l’image.

L'image c'est l'origine.

Mieux : l’image est à l’origine d'une relation.

C'est au faîte de cette relation que pourra éclore, fructifier, puis se partager une poétique, de la sorte acheminée à son plus haut niveau de maturité.

Poétique devenue foyer de ce qui est souffle de présence, de ce qui est vie – vie autonome de l'image.

Il est ainsi nécessaire de renoncer " à réduire toute l’image à sa seule variété de copie conforme de l’objet " (40) et ce, même s'il s'agit de prendre ce qui s'y figure au sérieux.

Ce qui se figure dans l'image est tout autant l'image elle-même, dans sa venue, que le sujet, à son écoute, qui s'y construit autant qu'il la construit.

L'image, en ce sens, également, est origine.

Elle ouvre un nouveau rapport au monde.

Il ne faut pas croire, cependant, que je veuille taillader l'idée d'image au point de nier, voire d'abolir, chez elle, sa vertu référentielle. Ce serait là abandonner l'un de ses atouts dominant. Je pense simplement qu'il faut toujours avoir en soi, à l'écoute d'un son venu du haut-parleur, ce discernement : l'entrée en image dote la manifestation d’origine d'une latitude qu’elle n’avait pas, " l’image signifie quelque chose que l’objet lui même n’a jamais eu le temps, ni l’espace de dire. " (41)

Cette signification nouvelle s'enrichit d'un double vecteur : l'un tourné sur le passé, "généalogique", parfois nostalgique – et il serait dommage d'abandonner ce souffle de poussières qui, pour tous, est à la faveur de notre être de mémoire… l'autre lancé sur tous nos devenirs perceptifs – devenirs prenant pied depuis la relance sensuelle et de vie, née de cette poétique au-dedans qui doit-être le noyau même de l'image.

Enregistrer sa voix, un son, un complexe de son, est-ce simplement en faire une copie venue du réel ?

Une copie n’est-elle qu’une copie ?

N'est-ce pas plutôt une nouvelle naissance ?

 

 

L'effet larsen – mort ou lucidité ?

Je te propose, pour finir ma lettre, une expérience.

Soit un microphone, un amplificateur et un haut-parleur enchaînés, tous trois mis sous tension électrique.

Il suffit, tu le sais, puisque tu m’annonçais déjà cette découverte envoûtante lors d’une précédente lettre, de diriger, d’approcher prudemment le microphone vers le haut-parleur pour que très rapidement un son exceptionnellement siffleur naisse de la boucle en retour sur soi du système.

C’est ce qu’on appelle l’effet larsen.

Une mise en abîme, locale, de l’espace acoustique sur lui-même, qui s’effondre brutalement et bruyamment à l’infini de son amplification.

S’élève alors en espace, matériellement figurée, révélée, une énergie virulente semblant régner comme un liant entre les choses, les objets, les êtres.

Émerge audiblement un lieu coupant.

Un lieu caché sous un lieu.

La preuve audible de l’effet miroitant contenu dans tout haut-parleur et qui rôde, ennemi, aux alentours de toute chaîne électroacoustique.

L’ennemi, ici, apparaît nettement de cette amplification additionnée sur elle-même.

A la manière de deux miroirs face à face.

Amplification qui n’en finit pas de se relever d’elle-même sur elle-même, augmentant jusqu’à recouvrir l’espace d’une présence sonore insoutenable. S’accaparant le système même d’où elle éclôt pour aller jusqu’à en briser les limites techniques, jusqu’à tuer la machine qui l’aura faite naître.

En une cassure effrayante.

Et cette cassure, en ta présence, pourrait tout aussi bien être celle de ton oreille.

Ton oreille qui cède dès lors à la panique.

Ton oreille qui siffle, à son tour, de peur de croiser l’inaudible.

Ton oreille morte.

Le son, dans l’oreille, se love dans une cavité qui absorbe l’audible. Un labyrinthe. Contrée où il se perd comme l'eau s'écoulant sous un complexe géologique. Au plus profond de cet espace de la perte que jamais rien n’épuise - l'ouïe est toujours en éveil - naît pourtant un informe qui informe tout le corps. De ce vide traversé, décodé, recodé, s’élancent des influx qui nourrissent la tête et les autres lieux de l'organisme. " L’oreille absorbe, n’immobilise pas mais absorbe l’audible […] quelque chose passe à travers elle et il ne reste rien. Sinon, si quelque chose insiste, veut se fixer sur elle, s’immobiliser, c’est là qu’elle cède et que le tympan crève, sans faire de bruit. "  (42) Or, l'effet larsen se consolide sur lui-même comme un tas de fréquences uniques, accumulées jusqu'au seuil de l'effondrement à la manière de deux miroirs face à face…

A la suite de cette expérience démesurée il nous faut concevoir, encore une fois, qu'écouter un son venu du haut-parleur c’est prendre ce risque de croiser un retour sur soi s’accroissant de façon sans cesse grandissante.

Et cette évidence extrême d’une amplification circulaire pourrait aisément nous forcer à sortir de la relation par une brisure mortelle.

Celle de notre tympan.

Un tel phénomène signe aussi une révélation sans précédent : je ne pense pas qu’il soit possible de vivre sa propre mesure, son échelle, sa jonction avec le monde consensuel et, dans le même instant, d’avoir ce regard - cette écoute en dessous - qui à trop percevoir ce qui finalement nous assemble par retour sur soi nous désassemble.

Le haut-parleur, de part sa position miroitante et amplifiante nous dirige au plus près de ce quoi le monde est tissé.

Un gigantesque contact.

Une force.

Car le monde est plein.

Peut-être même n’y a-t-il pas d’espace entre les êtres.

Le monde est un conglomérat d’entrechocs continuels.

Liés corps à corps – liés chairs à chairs.

Un monde dont nous sommes et où les objets invisibles, les poussières ainsi amplifiées se révèlent torrentielles.

Et cette révélation, augmentée par le haut-parleur est insupportable.

Elle se jette sur nous pour nous tuer.

Par le son.

Se suicidant dans le même élan puisqu’elle ira jusqu’à délier, chauffer, fondre le nœud intime de la machine qui l'a fait naître pour, au final, la briser dans une accélération sauvage, nette et sèche.

à moins, et ce sera là une conclusion plus douce, sage et ouverte, que le haut-parleur, dans sa technicité, nous affiche ingénieusement sa réserve.

Celle d'un face à face connaisseur de pièges.

Préférant s'abîmer, en toute lucidité, plutôt que de souffrir éternellement de la coïncidence narcissique du portrait.

Mon ami, voilà ce que j'avais à te dire aujourd’hui.

A mon tour j'ai hâte de te lire.

 

 

Lionel Marchetti

le 8 décembre 2002

 

Note sur le chaman / le haut-parleur / le tambour :

Le tambour du chaman est une oreille.

Constitué d’une peau mobile, tendue sur un cadre rond, il est une surface décollée, dépecée, prise à la chair animale.

Cette membrane est une surface d’inscription. Une carte où le chaman dessine, reporte ses voyages dans les autres lieux du monde, les autres lieux de l’esprit. Le tambour " figure un microcosme avec ses trois zones - Ciel, Terre, Enfer - où le chaman saura se déplacer dans la vitesse. Il est ainsi possible d’observer des dessins de l’itinéraire du chaman dans sa descente au royaume des morts, par exemple, des deux côtés de la surface du tambour ". " Toutes ces croyances, ces images et ces symboles en relation avec le vol, la chevauchée ou la vitesse  […] sont des expression figurées […] de voyages mystiques entrepris avec des moyens surhumains et dans des régions inaccessibles aux hommes. " (43)

Lorsqu’il chante et rapporte ce qu’il voit, ce qu’il entend, le chaman bat le tambour, s’enlace dans le rythme et se sert de l’instrument comme d'un véhicule l'emportant.

La peau du tambour provient d'un animal sacré, chassé, sacrifié. Cet animal a donné dans un rituel l’entièreté de sa chair, son souffle et ses valeurs. Il peut devenir l’esprit auxiliaire le plus proche du chaman, son aide intime. Sa chair a été ingérée en vue d’un échange de forces, dans un corps à corps. Il reste la peau. Elle est tendue sur le cadre du tambour.

C’est alors toute la puissance de l’animal qui résonne dans les mains du chaman et va frapper à son tour de ses ondes son tympan.

Il y a une animalité toujours présente dans cette membrane excitée et parlante.

Le chaman, au travers du tambour, frappe son propre tympan.

" Un envoi de vibrations sonores fortes, répétitives, dans l’appareil auditif (et donc dans le cortex cérébral), l’amène progressivement à une prise de conscience cognitive décalée. En même temps, les stimulis sensoriels en provenance de la réalité ordinaire (la douleur par exemple), se retrouvent bloqués ou filtrés. Ainsi, son esprit serait libre de se développer dans d’autres dimensions. " (44)

Le son du tambour " crée une atmosphère propice à la concentration, projetant le chaman dans une transe profonde au moment où son attention bascule pour voyager intérieurement. "

C’est cette frappe continuelle, rythmée, répétitive, de la main sur la peau animale - de la main sur son propre tympan - qui fait naître cette identité du tambour comme le lieu d’éclosion de toutes les fictions. Fictions au devenir efficace.

La cérémonie chamanique, comme rituel, est le plus souvent collective. Les sons du tambour, associés à la danse et aux chants, modifient de même la conscience de l’auditoire.

En tant que poète, médecin, homme de connaissance qui coïncide totalement avec ses images, capte les visions, le chaman emporte tout le groupe dans ses fictions, crée un complexe d’images, développe un savoir qui fonde la société à laquelle il appartient, voire, au besoin, sauvegarde l’identité du groupe.

Mais le chaman est moins un récepteur que un créateur d’images

Et si le haut-parleur, comme le tambour, était un véhicule recelant ce pouvoir de modifier notre conscience ? }

Notes :

1. Œuvres poétiques complètes - Rimbaud, Lautréamont, Corbière, Cros - éd. Robert Laffont, 1980.

2. La soie était de porc. Certaines expériences auraient été faites avec des antennes de crevettes. In La machine parlante - Paul Charbon - éd. J.P. Gyss, 1981.

3. Dans le même élan j'observerai le haut-parleur comme objet emblématique. Au sens où sa forme d’instrument ancien invoque une liaison magico-religieuse. Le haut-parleur est constitué d’un tambour, l’enceinte est une caisse de résonance… Mais ce sera là, cependant, l'objet d'un développement dans une autre lettre. A ce sujet je me contenterai donc, ici, d'une simple note en fin de texte.

4. Le bruit - R. Chocholle - éd. PUF, 1973.

5. Le son - J.J. Matras - éd. PUF, 1982.

6. Narcisses - Nouvelle revue de psychanalyse - éd. Folio essais, 2000.

7. L'inquiétante étrangeté - Sigmund Freud - éd. Folio essais, 2002.

8. Le rôle du narcissisme dans l'émergence et le maintien d'une identité primaire, Heinz Lichtenstein, Op. Cit. P. 237.

9. Images vidéo, images de soi… ou Narcisse au travail - Monique Linard, Irène Prax - éd. Dunod, 1985, P. 51.

10. D'après Le double - Otto Rank - Petite bibliothèque Payot, 2001.

11. Ibid.

12. De l'inconvénient d'être né - Cioran - éd. Folio Essais, 1987.

13. L'oreille et le langage - Alfred Tomatis - éd. Points Sciences, 1991.

14. Ibid.

15. Ibid.

16. Ibid.

17. Ibid.

18. Narcisses - L'enveloppe sonore du moi - Didier Anzieu, Op. Cit., P. 239.

19. Un filet de voix fort douce…, Louis Marin - La voix, l'écoute - Revue Traverse/20 - 1980, P. 16.

20. La voix et le phénomène - Jacques Derrida - éd. PUF, 1993.

21. Lucrèce.

22. Plutarque.

23. L'image naturelle - Marie-José Mondzain - Le nouveau commerce, 1995, P. 32.

24. Une telle exigence s'appliquant, bien sur, à l'enregistrement de tout sonore autre que vocal et au devenir haut-parlant.

25. Louis Marin, in Op. Cit.

26. Utopies vocales : glossolalies, Michel de Certeau - Revue Traverse/20, Op. Cit., P. 26.

27. Didier Anzieu, - ibid.

28. Déambulations dans l'espace nomade - Kenneth White / Basserode - Acte sud, 1995.

29. Didier Anzieu, in Op. Cit., P. 263.

30. A la recherche d'une musique concrète - Pierre Schaeffer - éd. Seuil, 1952, et aussi Michel Chion - Guide des objets sonores - Pierre Schaeffer et la recherche musicale - INA GRM/Buchet.Chastel, 1983.

31. L'image naturelle - Marie-José Mondzain - ibid. et voir aussi : L'idée d'image - Marie-Claire Ropars-Wuilleumier - éd. PUVincennes, 1995 ; La vie de images - Jean jacques Wunenburger - éd. PUG Grenoble, 2002 ; L'œil et l'esprit - Maurice Merleau-Ponty - éd. Gallimard Folio essais, 1985.

32. Marie-José Mondzain , Op. Cit.

33. Ibid.

34. Saint Paul : " Nous voyons présentement confusément et comme dans un miroir, mais alors nous verrons face à face ; présentement je connais imparfaitement, mais alors je connaîtrai comme j'ai été connu. ", in Epître aux Corinthiens, 13/12.

35. Devant l'image - Georges Didi-huberman - Les éditions de minuit, 1994, et voir aussi : Le pli - Gilles Deleuze - Les éditions de minuit, 1997.

36. La haine de la musique - Pascal Quignard - éd. Calmann-Lévy, 1995.

37. A ce sujet, David Rissin, à propos de la musique de François Bayle, il faut " briser le miroir qui nous renvoie du son l’image causale " - notice des Espaces inhabitables de François Bayle, disque Philips, collection Prospective 21 ème siècle, 836-895, 1983 ; et voir aussi mon livre : La musique concrète de Michel Chion - Lionel Marchetti - éd. Metamkine, 1998.

38. L'espace littéraire - Maurice Blanchot - Gallimard Folio essais, 1991.

39. Images mobiles - Jean-Louis Schefer - éd. P.O.L, 1999.

40. Ibid.

41. Ibid.

42. L'écoute - Marc Le Bot - Revue Traverse/20, Op. Cit., P. 42.

43. Le chamanisme et les techniques archaïques de l'extase - Mircéa Eliade ???? c'est jérôme qui a mon bouquin

44. Anthologie du chamanisme - Shirley Nicholson - Le Mail, 1991.

 

 

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